Conférence sur Tambov article DNA

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Témoignages d’une dure réalité

La conférence, ouverte par Claude Diringer, a été suivie par une trentaine de personnes dont Marlène Dietrich présidente, et de plusieurs membres de l’association Pèlerinage à Tambov, d’historiens à l’image de Jean Kieffer, ou comme Antoine Walter de descendants d’internés.

Cette soirée thématique a fait honneur à ceux qui l’ont organisée pour la force des témoignages, pour un devoir de mémoire nécessaire, comme l’a affirmé Alain Florentz président de Val Avenir.

D’entrée, Claude Diringer a situé sobrement le contexte non seulement du camp russe de Tambov, mais aussi cet épisode sombre de l’histoire des Alsaciens et Mosellans, celui de l’incorporation de force dans la Wehrmacht décrétée le 12 octobre 1942 par le Gauleiter Wagner. 140 000 jeunes hommes à l’instar de Marcel Jehl et de Lucien Lirot, envoyés pour le plus grand nombre, pour éviter toute tentative d’évasion, sur le front Russe.

Leurs deux témoignages de leur vie de soldats « malgré eux » sous l’uniforme vert de gris, des conditions de captivités frisant souvent l’inhumain, ont rappelé ces paroles de l’aviateur Henri Guillaumet à son ami Antoine de Saint Exupéry après sa légendaire survie dans les Andes « Ce que j’ai fait, je te le jure, aucune bête ne l’aurait fait ».

«Nous étions dans un état lamentable»

Lucien Lirot fut incorporé de force, envoyé sur le front de l’est en Russie et en Pologne au gré des offensives russes. Retiré en forêt avec sa compagnie (après un sauf-qui-peut général), Lucien s’est rendu aux partisans. Regroupé avec d’autres prisonniers, il a gagné le tristement célèbre camp de Tambov, où pendant près de vingt mois, il a vécu l’enfer. Libéré et rapatrié le 21 octobre 1945, il retourne affaibli (il pesait alors quarante kg), et malade chez ses parents.

Il a évoqué cette faiblesse du corps et celle de la tête qui va de paire en disant « Quand nous sommes rentrés, nous avions 25 ans et nous étions des grands-pères. Nous étions dans un état lamentable mais nous avons eu de la chance ».

Même état d’esprit pour Marcel Jehl, avec cette crainte en filagrane de ne pas être cru. Un parcours qui l’a mené par des chemins semés d’horreurs de l’incorporation de force en janvier 1943. Il rencontre dans la lointaine Russie à Kresty deux Sainte-Mariens, Jean-Paul Hambourier et Louis Kieffer. Blessé dans la débâcle allemande, Marcel se joint à des prisonniers de guerre français qui travaillaient dans une exploitation agricole. « Vendu » par d’autres Français, il est interné, après un long et éprouvant voyage avec de nombreux civils allemands, après un long voyage dans des conditions extrêmes dans un goulag au bord du lac Ladoga aux confins de la Finlande.

« Nous vivions dans des conditions épouvantables par des froids sibériens dans une véritable détresse humaine » et de rajouter « les supplices des Russes étaient égaux à ceux des Allemands ». Puis il est transféré dans un camp de prisonniers de guerre allemands à Pétra Zavok, où comme à Tambov et dans tous les camps russes, une maigre soupe et un peu de pain de maïs ont constitué de long mois durant une famélique pitance journalière. Le travail, les maladies et les maltraitances ont marqué à jamais la mémoire de ces deux témoins.

Cette conférence a aussi été l’occasion pour Marlène Dietrich de présenter l’Association Pélérinage Tambov dont le but est de transmettre un devoir de mémoire aux jeunes générations, d’organiser et de centraliser des recherches pour identifier les morts des fosses communes, d’organiser des séjours de jeunes adultes pour nettoyer et rafraichir le carré français sur la fosse commune numéro 36. Un emplacement qui est maintenant un lieu de pèlerinage et recueillement pour les anciens et pour leur descendance.

J.L.K